Berichte und Kommentare
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Anthropos 92.1997
à se bien conduire, car ses actes le suivent pour son
bonheur ou son malheur: cet aspect moral n’existe
pas chez les Toussian.
Quelques exemples vécus
Cas du premier certifié toussian: feu Daniel Houlla
Wattara, de la famille du chef de village de
Toussiana, né vers 1900. Une année avant sa
naissance, un dénommé Minta Wattara de Nianaba,
assassin notoire, fut pendu publiquement à Bobo-
Dioulasso, avec l’approbation de tous les Toussian.
Un peu plus tard Houlla Wattara naissait. Le devin
déclara que cet enfant était Minta revenu, car
Minta était parent de Mintapri, père de Houlla.
Mintapri était un chef très courageux qui avait
défendu les villageois autant qu’il le pouvait contre
les envahisseurs d’hier. Il est atterré par cette
naissance; le nom de sa famille, respecté partout,
va-t-il être “gâté” par cet infâme Minta? Il a peur
de Houlla et veut s’en débarrasser. La mère essaye
de sauver son fils en le confiant aux forgerons.
Ceux-ci effrayés refusent. La mère est obligée
d’aller dormir avec son bébé dans la case à
moutons. L’enfant tombe malade, on le croit mort,
on creuse la tombe et voilà qu’Houlla revient à la
vie. Vite, on tue un margouillat qu’on enterre à la
place de l’enfant, car une tombe creusée ne peut
être refermée vide. Pendant quelques jours encore
la mère vécut avec son fils dans la bergerie, puis on
la laissa revenir dans sa case. Mais Mintapri avait
peur d’Houlla, aussi pour le faire mourir d’une
manière indirecte, il ne l’appelait jamais par son
nom, mais: Minta tyé yugu, “Minta crapule”.
Un peu plus tard les Blancs demandent au chef
de village un enfant pour l’école. Mintapri saute
sur l’occasion de se débarrasser de ce dangereux
Houlla-Minta et le donne à la mission, pensant
que les ennuis que ce voyou ne manquerait pas
de causer retomberaient de cette façon sur les
Européens et plus sur sa famille. C’est ainsi que
Houlla est devenu le premier Toussian instruit.
Selon son propre témoignage, son père n’était pas
un méchant homme mais, en tant que chef de
famille, il tenait à l’honneur des siens; or il croyait
au retour de Minta dans son fils et il avait peur
de ce bandit. Houlla ne lui en voulait nullement.
Tout le monde y croyait et le vieux Kolékâ de
Toussiana, neveu de Minta et aîné de Houlla d’une
dizaine d’années, l’appelait “mon oncle” et lui
parlait très gentiment.
Voici maintenant le cas d’un moniteur d’agri
culture. Etant enfant, il aurait dit, en parlant des
femmes de son grand-père maternel, que c’était
ses femmes et, en parlant de ses oncles maternels,
que c’était ses fils. D’où on en avait conclu que
son mirrïki était celui de son grand-père maternel
... qui reconnaissait son monde.
Autre cas noté vers 1963: Sila, fillette de cinq
ans, est censée être la réincarnation d’une vieille
sorcière très méchante décédée en 1955. On dit que
lorsque cette gamine voit les parents de la vieille,
elle les insulte. Les cas de ce genre sont légion
chez les Toussian.
Le culte des ancêtres
Le culte des ancêtres (lekobe) est le plus important
après celui de Dieu; il prédomine même sur le
culte du Do, divinité de l’initiation pourtant très
grande et très ancienne. Le symbole des mânes
des ancêtres est un tas de cailloux. Quand jadis
quelqu’un fondait un nouveau village, il emportait
un des cailloux du tas et il continuait ainsi à
honorer les ancêtres dans le nouvel habitat.
Le culte des ancêtres se pratique à trois niveaux
différents: le village, la famille étendue et la
famille conjugale.
Les lekobe pour tout le village s’appellent
kul (village) ou kulia. Lorsqu’on désire obtenir
quelque chose pour le bien de la communauté
villageoise toute entière, la pluie par exemple,
on va voir le devin qui ordonne le sacrifice à
l’autel des lekobe villageois et qui précise l’animal
demandé: chèvre, pintade, etc. Les lekobe des
Toussian se trouvent non loin de la case du chef
de village dans la direction du petit campement.
Chaque famille étendue ou segment de patri
lignage possède de même ses lekobe, symbolisés
aussi par un tas de cailloux. Lorsque quelqu’un
meurt, on n’ajoute pas de cailloux au tas, aussi
il arrive qu’il n’en reste presque plus: ils ont été
dispersés par la pluie ou par les enfants. Mais
même s’il n’en reste qu’un seul, c’est toujours
le symbole des lekobe. Ces lekobe familiaux sont
parfois dans le village, parfois loin, à un ou deux
kilomètres, à l’emplacement de l’ancienne case des
ancêtres. En effet, les habitations se déplacent au
cours des ans avec la mise en culture de nouveaux
champs.
Lorsqu’au sein d’une famille étendue on crai
gnait qu’à la suite de conflits, un enfant soit
empoisonné, le prêtre du culte ancestral pouvait
recourir au pacte de sang en présence des lekobe ou
sedyalakwoke. Il convoquait tout le monde devant
les lekobe, sans en donner le motif pour éviter un
refus de l’éventuel coupable. Là, tous les enfants
se lavaient les mains dans une calebasse de dolo