Anthropos 100.2005
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Constantine Petridis
Au-delà des très précieuses (et toujours trop
rares) informations de terrain que nous apporte
ce bref aperçu de la collection offerte par Peeraer
à PUniversité de Gand, une conclusion générale
s’impose. Du point de vue stylistique, les sta
tues récoltées par le Père Peeraer ne s’inscrivent
dans aucun des nombreux ateliers distingués par
François Neyt (1993). Le fait qu’on n’ait encore
attesté l’existence d’aucun atelier dans la région
proche de Kabongo, là où se trouvaient pourtant
les anciennes capitales royales, amène Petit à
contester l’hypothèse historique de Neyt concer
nant la diffusion des œuvres d’art luba (Petit
1995b: 124; 1996b: 89). Selon lui, c’étaient les
vallées de la Luvua, de la Lukuga et du Lwalaba
- et non le centre du royaume - qui formaient le
berceau de l’art luba (voir aussi Roberts 1998; 64).
Par conséquent, il est peu probable que la dif
fusion de certaines formes sculpturales ait suivi
l’expansion politique du royaume. De surcroît, ce
sont surtout des braises du feu royal et des ob
jets non sculptés, comme les calebasses mboko,
qui ont été diffusées comme symboles politiques
de la capitale vers la périphérie (Petit 1996b:
88).
Nooter (1992: 88) remarque à juste titre que
les collections reposent sur une sélection arbi
traire, résultant de préférences individuelles ' et
subjectives. Force est de constater que, dans la
plupart des collections anciennes, ce sont sur
tout des objets sculptés et figuratifs qui ont été
conservés, alors que les recherches de terrain
démontrent toute l’importance que les Luba ac
cordent, tant dans le domaine politique que dans
le domaine religieux, à des objets non-plastiques
et non-figuratifs. Parmi ceux-ci, il faut compter
les paniers dikumbo qui contiennent les reliques
des rois défunts, ainsi que des chaises et bâtons
non-figuratifs. Selon Nooter (1992: 89), une autre
carence de ces anciennes collections est le manque
d’information sur le lieu de provenance, sur le
nom des artistes, des propriétaires et des objets
eux-mêmes, sur la fonction des œuvres et sur le
contexte dans lequel elles étaient utilisées, ainsi
que sur les circonstances de leur récolte. De ce
point de vue, les collections qui ont été rassem
blées par le Père Peeraer au début des années 1930
constituent, avec le support des notes et des publi
cations de cet auteur, une très heureuse exception
à la règle.